Édouard Ferlet has already explored intriguing byways for the Alpha label: in 2015 he and Violaine Cochard recorded ‘Plucked Unplucked’, an album associating piano and harpsichord – a successful venture that will soon see a follow-up. The bassist Stéphane Kerecki has already made several recordings for Outhere, including ‘Nouvelle Vague’, a prizewinner at the Victoires de la Musique. The career of the trumpet player Airelle Besson has been on a high since 2015, when she won both the Prix Django Reinhardt of the Académie du Jazz and the ‘Révélation’ Award at the Victoires du Jazz. These three jazz musicians met and decided to form a trio in order to combine their universes and their ambitions. Here is the fruit of their first year of companionship, a programme presenting compositions by each of them, an album wearing the colours of jazz but featuring several tracks directly inspired by great standards of the classical repertoire, including ‘Es ist vollbracht’ from Bach’s St John Passion, the Pavanes of Ravel and Fauré, the Valse sentimentale of Tchaikovsky, and Khachaturian’s Sabre Dance, which can be recognised behind the ‘Stances du sabre’. The refinement of the compositions and the playing and the musicians’ capacity for listening to each other are a source of endless pleasure and fulfilment.
AÏRÉS
Airelle BessonTROMPETTE
Édouard Ferlet PIANO
Stéphane KereckiCONTREBASSE
Édouard Ferlet a déjà emprunté les chemins de traverse pour le label Alpha puisqu’avec Violaine Cochard, il a signé en 2015 « Plucked Unplucked », album mélangeant piano et clavecin : belle réussite qui fera bientôt des petits.
Le contrebassiste Stéphane Kerecki a signé plusieurs albums pour Outhere, dont « Nouvelle Vague », récompensé aux Victoires de la Musique.
La carrière de la trompettiste Airelle Besson est en pleine explosion depuis 2015, année où elle a reçu à la fois le Prix Django Reinhardt de l’Académie du Jazz et la Révélation des Victoires du Jazz.
Ces trois jazzmen et woman se sont rencontrés, ils ont décidé de créer un trio pour croiser leur univers et leurs envies. Voici le fruit de leur première année de compagnonnage, un programme qui présente des compositions de chacun d’eux, un album aux couleurs jazz, mais dont plusieurs plages sont directement inspirées de grand standards du classique, comme « Es is Vollbracht » de la Passion selon St Jean de Bach, les Pavanes de Ravel et de Fauré, la Valse sentimentale de Tchaïkovski ou la Danse du Sabre de Khatchatourian qu’on devine derrière les « Stances du Sabre »…
Le raffinement des compositions et du jeu, le sens de l’écoute des musiciens sont sources de plaisir et de plénitude.
1 CD ALPHA 298,
Sortie le 13 octobre
CONCERT AU CAFE DE LA DANSE le 4 décembre 2017
LIENS
Album :
https://soundcloud.com/melisse666/sets/trio-besson-ferlet-kerecki/s-Y9gjq
Official Video Trailer :
https://www.youtube.com/watch?v=sQEIxkM19to&feature=youtu.be
PROGRAMME
1 ES IST VOLLBRACHT (Édouard Ferlet)
2 INFINITÉ (Airelle Besson)
3 PAVANE POUR UNE INFANTE DÉFUNTE (d’après Maurice Ravel)
4 SOON (Stéphane Kerecki)
5 MANAROLA (Stéphane Kerecki)
6 L’HISTOIRE D’UN ENFANT DE SAINT-AGIL (Édouard Ferlet)
7 VALSE SENTIMENTALE OP.51 NO.6 (d’après Pyotr Ilyich Tchaikovsky)
8 WINDFALL (John Taylor – dedicated to his memory)
9 LES STANCES DU SABRE (Édouard Ferlet)
10 PAVANE OP.50 (d’après Gabriel Fauré)
11 INDEMNE (Édouard Ferlet)
12 RÉSONANCE (Airelle Besson)
TOTAL TIME:61’22
« L’idée était de laisser place à l’improvisation et à la spontanéité » Airelle Besson, Édouard Ferlet, Stéphane Kerecki
Vous n’aviez jamais – ou presque – travaillé ensemble. Qu’est-ce qui vous a inspiré ce disque en trio ?
Édouard Ferlet. Nous nous connaissions séparément : j’avais travaillé avec Airelle en quartet il y a environ six ans et j’avais envie de refaire des choses avec elle; quant à Stéphane, je le connaissais depuis très longtemps sans jamais avoir travaillé avec lui au-delà d’une ou deux sessions. Il a une âme de compositeur, Airelle également. Nous sommes tous les trois assez atypiques, et en même temps nos profils se ressemblent. J’ai déjà fait un premier disque chez Alpha*, l’idée était de proposer ici un programme en trio mêlant des œuvres classiques et nos propres compositions.
Airelle Besson. Une fois que nous nous sommes rencontrés, avec Édouard, grâce à Didier Martin, nous avons pensé ensemble à Stéphane pour compléter le trio ; nous avions tous les deux envie de jouer avec lui. Je le connais depuis longtemps, nous nous croisions dans les couloirs du Conservatoire de Paris, il faisait partie des « grands » élèves. Musicalement, nous nous étions croisés une ou deux fois, et retrouvés au festival Jazz sous les pommiers de Coutances il y a trois ans. J’apprécie énormément son travail, je sais ce qu’il fait artistiquement, musicalement, et j’aime beaucoup sa démarche. Cet enregistrement est un peu la concrétisation musicale d’une relation lointaine que nous avons depuis toujours.
Stéphane Kerecki. Nous nous connaissions en effet tous les trois mais la rencontre dans cette configuration était inédite, et ce fut une belle expérience. Chacun a pris sa place très naturellement. C’était très fluide, très simple. Dans le jazz, on a l’habitude de jouer avec des gens que l’on ne connaît pas ou peu. C’est ce qui est magique : on fait des rencontres impromptues, on se retrouve sur un répertoire et on improvise. Maintenant, cela demande une confiance dans les autres, que nous avons ici naturellement trouvée.
Comment trouve-t-on l’équilibre, à trois ?
Stéphane Kerecki. Pour moi, tout l’équilibre du trio repose sur le son. De nombreux musiciens sont des virtuoses de leur instrument mais ne mettent pas l’accent sur le son. Édouard et Airelle ont des sonorités magnifiques. Édouard a un son, au piano, bien à lui – c’est une connaissance, une culture du son. Avec Airelle, j’ai entendu un son de trompette comme jamais je n’avais entendu. Tout cela fait que l’on se retrouve avec une matière sonore très dense, très riche, avant même d’avoir les informations mélodiques, thématiques ou harmoniques que produit l’improvisation. Au fil des répétitions, ce son assez lyrique, minimaliste, est apparu. Personne n’essayait de prendre le dessus sur les autres. Nous servions « à égalité » une même musique. Cette volonté a fait qu’ensuite nous avons pu jouer comme nous voulions sur le répertoire choisi.
Édouard Ferlet. Jouer en trio implique une écoute inconditionnelle de l’autre – de sa présence mais aussi de son volume sonore, de son énergie, de ses intentions. On joue et on écoute. Il faut avoir des capteurs à tous les niveaux. On se fait des clins d’œil, on se provoque, on rebondit. Et on lâche prise. L’écoute est la garante d’une musique réussie. Dans l’improvisation, il ne peut pas y avoir d’erreur s’il y a écoute. Si l’on se trompe ensemble en s’écoutant les uns les autres, on ne se trompe pas, on va vers un nouveau chemin.
Airelle Besson. L’écoute est certainement ce qui arrive en premier, avec le son, la manière dont il circule entre les trois interprètes. Je pense que nous avons tous les trois une haute exigence du son, de sa qualité. Et puis nous avons chacun une certaine expérience de jeu dans des formations très variées. Nous n’étions pas là pour prouver quelque chose, simplement pour nous faire plaisir et avoir un échange. La confiance s’est donc instaurée tout de suite, dans le respect des choix musicaux de chacun. Les équilibres se font alors naturellement, dans une conscience de chaque instant.
Comment s’est fait le choix du répertoire de ce programme ?
Édouard Ferlet. Le répertoire a découlé de notre rencontre. Nous avons tous les trois une sensibilité proche du classique; le choix des pièces s’est affiné au fil des échanges et des répétitions. Chacun a apporté de ses compositions existantes, et la sélection s’est faite en travaillant. Jusqu’au dernier moment, nous avons bougé les lignes. L’idée, sur ce disque, était de laisser place à l’improvisation et à la spontanéité – jusqu’à accepter de tout changer en studio au moment de l’enregistrement !
Airelle Besson. C’est la première fois que je collabore à ce type de programme, où l’on emprunte des œuvres classiques, et en trio. Je pense que ce qui nous unit – notamment avec Édouard –, c’est la musique de Bach. J’ai beaucoup écouté et analysé ses œuvres, je me sens très proche de lui. Et avec Stéphane, nous nous sommes découvert des affinités communes sur certaines musiques. Tous les trois, nous sommes dans la mélodie, dans l’harmonie et dans le son – ce qui est très fort dans la musique classique. Et nos compositions sont également axées sur la mélodie. Nos exigences se rejoignent là. Les musiques que nous interprétons dans ce programme sont... incroyables. C’est presque de l’ordre du sacré pour moi.
Stéphane Kerecki. Lorsque l’on reprend ce genre de répertoire, on ne peut pas le jouer comme des standards de jazz. Le standard de Broadway a une forme beaucoup plus traditionnelle, une carrure de 16 ou 32 mesures que l’on fait tourner à l’infini. Dans ce type de projet, avec des thèmes si puissants, il faut arriver à trouver un angle d’approche suffisamment personnel qui permette de se les approprier et de faire en sorte que la musique ne sonne pas au premier degré. Ensuite, il faut arriver à trouver à l’intérieur de ces mélodies, de ces harmonies, un moyen d’ouvrir une porte par laquelle s’échapper ; c’est un exercice difficile mais que j’aime beaucoup faire, et que nous avons fait à trois ici.
N’y a-t-il pas un paradoxe entre les musiques «savantes» de Ravel ou Tchaïkovski et l’improvisation telle que vous la pratiquez dans le jazz ?
Stéphane Kerecki. On se met d’accord avant, mais on laisse des portes ouvertes. L’improvisation n’empêche pas de se donner des directions, des consignes. Il faut toujours se laisser la possibilité que des choses puissent se produire de façon inattendue – des accidents. C’est ce qui est intéressant. Ces accidents-là provoquent une écoute extrêmement attentive et mettent tous nos sens en éveil. Et si l’on part du principe qu’il n’y a pas d’erreur, que tout fait partie de la musique, alors quels que soient les événements qui se produisent, on peut les utiliser, les transformer, rebondir et s’en servir pour créer autre chose. Si c’est inattendu, c’est encore plus intéressant car cela nous amène dans un espace où l’on n’est jamais allé. Cet état d’esprit permet de faire de la musique intéressante. Pour moi, musique écrite ou improvisation sont la même chose. Dans cet état d’esprit, si l’on trouve le bon angle et la bonne trajectoire, que l’on a l’ouverture d’esprit et cette disposition, on peut presque tout jouer.
Édouard Ferlet. On pourrait dire que l’on fait de la musique « savonnante »... Je suis arrivé pour ma part avec la Pavane de Fauré, que j’aime beaucoup. Nous jouons la partition originale, sans arrangement, mais chacun y fait ce qu’il veut. Pour moi, le principe est un peu toujours le même avec une œuvre classique : je joue l’original, puis je m’en éloigne peu à peu, par bribes, puis je m’en éloigne tellement qu’elle finit par devenir complètement autre chose. Je pars dans un autre pays, même si par moment des petits morceaux de thème réapparaissent.
airelle besson. Pour moi également, il n’y a pas de frontière entre musique écrite et improvisation – et elles ne sont surtout pas contradictoires ! Quand j’improvise, j’essaie de tourner autour de l’univers musical de la mélodie de la partition d’origine. Cette passerelle entre musique écrite et improvisation, je l’emprunte énormément, notamment dans l’écriture de pièces classiques pour orchestre symphonique ou autres formations classiques. Il y a un lien, ça circule librement. Pour toutes les musiques, que ce soit le jazz ou le classique de différentes époques. Si l’on parle de musique baroque, il y a également beaucoup d’improvisation. C’est un tout. C’est ainsi que je le vois, et surtout que je l’entends. C’est toujours la même histoire, mais avec notre langage – comme des variations –, cela devient des histoires.
Quel souvenir gardez-vous des trois jours d’enregistrement ?
Stéphane Kerecki. C’était formidable de pouvoir enregistrer dans cette salle à Grenoble. C’est un très bel endroit, avec une acoustique incroyable. Nous étions sur la scène, donc il y avait un contact physique entre nous – c’est assez rare dans le jazz. Cette disposition acoustique était justifiée au vu du répertoire : nous étions finalement dans un contexte de musique de chambre plus que de groupe de jazz. C’était très agréable. Sans compter, en plus, cette acoustique magique qui impliquait une certaine forme de musique. Un studio très mat, sans réverbération ou avec des réverbérations ajoutées, ne nous aurait pas incités à jouer comme nous avons joué là. La salle nous a « emmenés » quelque part.
Airelle Besson. La salle était en effet merveilleuse, et cela sonnait magnifiquement. Il est assez rare pour nous d’enregistrer dans une salle de concert – et cela nous met dans une ambiance très spéciale. Une telle acoustique donne envie de jouer, et de jouer encore. Le son de trompette, là-bas, était tout simplement incroyable. C’était très propice au travail et au plaisir de jouer. On s’est laissé le champ libre pour avancer en terrain assez vierge finalement.
Édouard FerletNous étions tous les trois sur le même plateau, les instruments placés de façon à ce qu’ils sonnent au mieux et que l’on puisse se voir. Une position en triangle, comme en concert, mais avec plus de liberté puisque nous n’étions pas contraints d’être face au public. La proximité était réelle et intense. Nous avons vraiment donné sur ce disque ce que l’on donne en général dans l’instant et dans l’intensité du concert. Ce que l’on entend du disque est vraiment ce que nous avons vécu au fil des trois jours, dans un même espace sonore qui est celui de la salle. J’ajouterais que ce programme est vraiment fait sans filet, quasiment sans montage, dans l’esprit d’une captation de concert – ce qui est à la fois déstabilisant et très jouissif. Nous n’avons pas voulu gommer, corriger. Tous les trois, nous avons accepté ce principe. Et quand nous avions des doutes, aux autres étaient là pour nous le rappeler. Nous nous sommes fait totalement confiance les uns les autres dans ce programme sans leader. Alban Sautour nous a enregistrés et a participé avec nous à ce cheminement de réflexion et de décision artistique. Il a fait en sorte que nous soyons justement exempts de toute contrainte technique concernant la prise de son afin que nous soyons entièrement présents et disponibles à la musique et à l’écoute.
Propos recueillis par Claire Boisteau
* Bach Plucked Unplucked, avec la claveciniste Violaine Cochard.